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L’éclairage d'une psychologue : pourquoi les enfants partagent-ils trop en ligne ?

Alžbeta Kovaľová | 14 Aug 2024
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En échangeant davantage, nous pouvons éviter le partage excessif !

L'ère numérique moderne présente un phénomène unique auquel les parents et les enfants doivent faire face : le partage excessif. Aussi appelé « oversharing », il fait référence à la diffusion en ligne de nombreux contenus personnels. Il peut s'agir d'informations sensibles, mais pas uniquement. L'excès peut être défini par la fréquence ou la profondeur et la portée des informations partagées en fonction du contexte et de la situation. Un indicateur peut être qu'en fin de compte, une personne, ou en l'occurrence un enfant, pourrait regretter d'avoir partagé autant d'informations, et notamment engendrer des conséquences négatives.

Nous avons rencontré Jarmila Tomková, psychologue pour enfants spécialisée dans la psychologie dans le numérique (et que nous avions déjà interviewée ici au sujet des prédateurs en ligne), pour discuter de ce phénomène, de ses racines et des moyens d'y remédier, tant du point de vue de l'enfant que de celui des parents.

L'oversharing peut être défini comme le partage excessif d'informations personnelles, qu'il s'agisse de détails sensibles ou simplement de la fréquence ou de l'étendue de ce qui est partagé. Dans le contexte du monde numérique, le surpartage peut se produire à la fois en privé mais aussi en public.

 

L'un des principaux problèmes liés à cette pratique en ligne réside justement dans le fait que les enfants ne comprennent souvent pas qu'il s'agit d'un partage excessif d'informations. « Souvent, ils ne réalisent pas qu'un certain type d'information peut être considéré comme ne devant pas être partagé publiquement ou avec une certaine personne », explique Jarmila. « Ils ressentent le besoin de partager sans tenir compte des facteurs ou de la situation ».

 

Les enfants se sentent souvent motivés à partager pour différentes raisons

Enfants et adolescents se laissent souvent emporter et partagent trop d'informations en ligne pour une multitude de raisons. Un mauvais contrôle de leur impulsivité, le besoin de s'intégrer et le désir d'être populaire ou audacieux peuvent également contribuer à cette pratique dite de « l’oversharing ». Il arrive aussi que les enfants partagent beaucoup (trop) pour établir des relations intimes. Ils veulent ressentir qu’ils sont uniques dans le regard de l’autre et se construire leur personnalité. Partager en ligne, comme le font leurs camarades, ou même les célébrités, peut leur donner un sentiment d'appartenance, ce qui peut s'avérer très important pour un enfant qui essaie de se trouver lui-même. Leur compréhension de ce qu'il est acceptable de partager et de ce qui ne l'est pas est façonnée par la culture dans laquelle ils évoluent.

Le stade de développement et le rôle des traits de personnalité

« Le partage excessif peut également se produire en privé. Cela peut arriver à des enfants plus jeunes, avant l'âge de 12 ans, lorsqu'ils rencontrent quelqu'un par le biais d'un jeu en ligne et qu'ils ressentent un sentiment de connexion. Ils peuvent même partager des informations personnelles, sans se rendre compte que cela les met en danger et que la personne avec laquelle ils partagent peut s’avérer être un prédateur », explique Jarmila, interrogée sur les jeunes enfants et leurs pratiques de partage excessif.

Les jeunes enfants, âgés de 7 à 10 ans, ont une pensée concrète et sont naturellement confiants (ce qui est tout à fait normal et sain), ce qui les rend susceptibles de partager trop d'informations et, malheureusement, d'en subir les conséquences (souvent négatives). Les enfants plus âgés, poussés par le désir de popularité et d'expression émotionnelle, peuvent également partager trop d'informations. Dans les deux cas, le partage excessif peut être déclenché soit par une détresse émotionnelle, soit par une forme d'introspection.

« Il est important de noter que le partage excessif chez les enfants plus âgés ne se produit pas uniquement en raison d'une détresse émotionnelle. Parfois, le besoin d'être différent et de trouver une place unique dans ce monde peut aussi être un moteur puissant », explique Jarmila.

Les traits de personnalité peuvent également jouer un rôle, mais ils ne sont jamais la seule raison.

« D'après mon expérience, les enfants les plus susceptibles d'avoir besoin de trop partager sont ceux qui sont extravertis et qui veulent partager avec le monde. Il faut leur montrer comment le faire en toute sécurité et ne pas se contenter de l'environnement en ligne », note la psychologue. Elle poursuit en expliquant que certains enfants peuvent être impulsifs et ne possèdent pas encore la capacité de réguler leurs émotions, ce qui fait qu'en cas de besoin de partage, ils ont recours au seul moyen qu'ils connaissent. « Il semble que les adultes aient peu de contrôle sur les changements naturels des traits de personnalité ou des états émotionnels qui se produisent pendant l'adolescence. La tendance à partager une certaine quantité, une certaine fréquence et un certain type de contenu n'est que l'un des deux principaux facteurs contribuant au partage excessif à risque. Le second facteur est la connaissance et la capacité à contrôler l'étendue de la confidentialité des informations partagées. C'est aux parents et aux écoles qu'il incombe de transmettre aux enfants des connaissances et des compétences claires en la matière », insiste Jarmila.

Les réseaux sociaux jouent un rôle dans le partage excessif

Le partage excessif peut conduire à la honte, à la mise en danger involontaire et à la cyberintimidation. Les tendances des réseaux sociaux peuvent également favoriser une culture du partage excessif, ce qui ne fait qu'exacerber le problème. Ces plateformes jouent un rôle important dans la vie des enfants, influençant ce qu'ils partagent et la fréquence à laquelle ils le font. Les tendances « storytime » ou « facts about me » sont en train d'envahir les espaces numériques, où l'on fait l'éloge des aspects de la vie personnelle, des traumatismes et des difficultés.

« Les enfants remarquent ce que les autres partagent et veulent suivre la tendance. Il en va de même pour les célébrités : lorsqu'un influenceur publie un certain type de contenu, les enfants peuvent se sentir convaincus qu'ils doivent faire de même pour s'intégrer », explique Jarmila.

Que pouvez-vous faire ?

Les parents peuvent utiliser différentes stratégies pour aider leurs enfants. « Tout d'abord, il est essentiel de soutenir le développement sain de l'enfant. Nous devons les aider à prendre conscience de leur propre valeur et de leur caractère unique, les élever de manière à ce qu'ils aient une bonne estime d'eux-mêmes et à prendre conscience de leurs émotions. C'est ce que les parents doivent faire, indépendamment du partage excessif. Une autre chose très importante à garder à l'esprit consiste à montrer aux enfants quelles sont les situations à risque et pourquoi elles peuvent être dangereuses pour eux » déclare Jarmila lorsqu'on lui demande quelles sont les mesures pratiques à prendre pour les parents.

Ces derniers doivent veiller à ce que l'enfant apprenne à s'accepter, à connaître son identité et à avoir une attitude saine envers lui-même. Il est également très important que l'enfant dispose de suffisamment d'espace hors ligne pour partager ses émotions de manière saine. « Les enfants ont besoin d'espace et de soutien social pour pouvoir partager et se sentir connectés à quelqu'un. Les parents devraient les encourager à se faire des amis et à acquérir des compétences sociales, à rejoindre différentes communautés, à faire du sport et à avoir des loisirs qui leur permettent de se connecter à d’autres camarades ».

Adopter des habitudes saines

La petite enfance est un bon moment pour commencer à développer des habitudes et des rituels sains. Jarmila suggère par exemple d'instaurer un rituel avec l'enfant  : « Les parents peuvent par exemple parler à leurs enfants de leurs difficultés et de ce qui leur est arrivé ce jour-là. Plus tard, les parents peuvent leur montrer comment partager leurs sentiments les plus profonds dans leur journal, dessiner ou utiliser d'autres moyens pour se connecter à leurs émotions. Les enfants doivent comprendre qu'il n'y a pas de mal à être en contact avec ce qu’ils ressentent et en même temps apprendre à ne pas réagir de manière excessive. Veillez à ce que l'enfant ne se sente pas seul face à ses émotions. Les activités peuvent être réalisées collectivement, par exemple pendant le dîner, où tous les membres de la famille partagent les bonnes et les mauvaises émotions. »

Les enfants doivent être autorisés à partager leurs ressentis et à en parler. « Le paradoxe est qu'en partageant davantage, nous pouvons éviter le partage excessif » déclare Jarmila.

Comment réagir face à un partage excessif ?

Lorsque vous découvrez que votre enfant partage trop d'informations en ligne, il est essentiel de ne pas réagir de manière démesurée et de ne pas paniquer. « Respirez profondément et pensez à ne pas détériorer la relation que vous avez avec votre enfant en réagissant à la hâte ou en portant un jugement. À la place, reconnaissez calmement et naturellement que vous avez vu le contenu inapproprié qu'il a publié. Ne laissez pas le problème sans réponse, mais choisissez vos mots avec soin pour conserver la confiance de votre enfant. Vous êtes leur pilier et ils doivent savoir que vous comprenez les implications d'un partage excessif et les conséquences que celui-ci peut avoir » explique la psychologue.

Dans ce scénario, il est plus important de ne pas porter de jugement que d'apporter un soutien excessif.

Vous pouvez lui donner des exemples de votre propre vie, où le partage excessif a mal tourné (par exemple lors d'un teambuilding) ou des exemples de célébrités qui ont regretté le partage excessif. Faites preuve d'une véritable curiosité à l'égard de la vie et des expériences de votre enfant, plutôt que de tirer des conclusions hâtives ou de faire des suppositions. Jarmila poursuit : « Évitez les questions conflictuelles telles que « Pourquoi as-tu fait cela ? ». Favorisez plutôt un dialogue ouvert en posant des questions plus exploratoires telles que « Qu'est-ce que tu espérais en faisant cela ? » ou « Quel résultat attendais-tu ? ». Surtout, concentrez-vous sur le bien-être de votre enfant, et non sur vos propres sentiments ou réactions. « Il s'agit de lui, pas de vous ».

Il est très difficile de faire la part des choses entre la liberté d'expression de l'enfant et le partage excessif. Il est bon de réfléchir aux personnes qui pourraient voir ces informations et à ce qu'elles pourraient en penser ou en faire. Cependant, grâce à la compréhension, à une communication ouverte et à un environnement favorable, nous pouvons guider nos enfants vers des habitudes de partage saines et responsables. Et surtout, nous devons les guider et créer un environnement en ligne plus sûr.

 

A propos de l'auteur

Alžbeta Kovaľová /
Rédactrice spécialisée en sécurité numérique

Alžbeta travaille chez ESET depuis deux ans...

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