| Cyberharcèlement

Psycho & numérique : comment aider votre enfant à surmonter un épisode de cyberharcèlement ?

Alžbeta Kovaľová | 15 Jan 2025
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La cyberintimidation peut affecter considérablement la confiance des enfants et leur faire perdre espoir en la bienveillance des autres.

Et en particulier s'ils sont livrés à eux-mêmes pour gérer leurs émotions. Comment les parents doivent-ils agir lorsqu'ils suspectent que leur enfant est victime de cyberintimidation ? Quelles actions peuvent-ils mettre en place pour l’aider à surmonter cette épreuve ? Nous avons abordé le sujet en détail avec Jarmila Tomkova, psychologue pour enfants.

Tout d’abord, comment les parents peuvent-ils savoir si leur enfant est victime de cyberintimidation ? Quels sont les indices à traquer ?

Il y a des signes à rechercher dans le comportement de l'enfant. Devient-il plus discret lorsqu'il s'agit de ses appareils, ferme-t-il son ordinateur portable ou éteint-il l'écran de son téléphone dès que quelqu'un entre dans la pièce ? C'est souvent le cas lors du pédopiégeage (aussi appelé grooming), mais cela peut aussi être le signe d'une cyberintimidation. D'une manière générale, les parents doivent vérifier si leur enfant se montre anxieux, stressé, voire nerveux, mais aussi froid ou passif. Ce comportement - ou tout autre changement important dans le caractère de l'enfant - peut indiquer que quelque chose ne va pas. Les enfants victimes d'intimidation deviennent souvent solitaires, abandonnent leurs loisirs et évitent la plupart des situations sociales.

Si les parents pensent que leur enfant est victime de harcèlement, que doivent-ils faire ?

Ils doivent discuter avec l'enfant et faire en sorte qu'il se sente en sécurité. Mais si les parents demandent à leur enfant de s'asseoir et qu'ils continuent à lui demander :

« Qu'est-ce qui ne va pas ? Dis-moi ce qui s'est passé. Tu as des problèmes ? Parle-moi », l'enfant peut se sentir acculé et dépassé. Cette situation lui donne presque l'impression d'avoir fait quelque chose de mal. Je recommanderais donc de changer de position et de mettre l'enfant victime d'intimidation dans le rôle de quelqu'un qui lui donne des conseils.

Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Nous pouvons par exemple nous asseoir avec eux et décrire une situation dans laquelle une personne, ou un personnage, est victime d'intimidation. Nous pouvons évoquer des personnes qu'ils connaissent, des célébrités, des influenceurs ou même des personnages imaginaires. Ensuite, nous pouvons demander à l'enfant : « À ton avis, que devrait faire la personne victime de brimades et de harcèlement ? De quoi penses-tu qu'elle a besoin ? » De cette manière, les enfants ont plus de chances de se sentir maîtres de la situation et de partager leurs propres sentiments. Ensuite, une fois le sujet abordé, nous pouvons parler plus ouvertement à l'enfant et l'interroger sur sa propre situation. Nous devons toujours agir calmement et ne pas être trop émotifs ou stressés, car l'enfant pourrait alors avoir l'impression que la cyberintimidation est de sa faute.  

Ce qui n'est jamais le cas évidemment. Alors comment faire en sorte que l'enfant le sache ?

Eh bien, nous ne devons certainement pas le stresser davantage par notre réaction, en lui disant des choses comme « Je t'avais dit que les réseaux sociaux étaient néfastes » ou « C'est ce qui arrive à force d’être trop souvent en ligne ». Nous pouvons les aider à résoudre la situation sans les punir par des restrictions. Si notre enfant nous dit qu'il reçoit de méchants commentaires sur ses posts Instagram, nous ne devrions pas lui dire d'arrêter d'utiliser l'application, ni même lui interdire complètement d'utiliser son téléphone. Cela ne ferait que le stresser davantage. 

Que pouvons-nous faire alors ?

Nous devons les aider à rétablir le sentiment de sécurité de l'espace en ligne. Regardez les commentaires avec eux, aidez-les à rassembler des preuves au cas où vous voudriez contacter l'école ou les parents des harceleurs, puis supprimez ces commentaires. Avec les enfants, nous pouvons les aider à modifier leurs paramètres de confidentialité afin que seuls leurs amis puissent voir les photos qu'ils publient et leur montrer comment supprimer les commentaires ou même bloquer les profils qui les intimident/dérangent. C'est une autre façon de donner aux enfants le sentiment qu'ils ont un certain contrôle, ce qui est essentiel. En tant qu'adultes, nous pouvons jouer le rôle de coordinateur rassurant et faciliter le processus lorsqu'il s'agit de contacter les autorités, telles que l'école ou même la police. Nous devons dire aux enfants qu'il s'agit d'une option, mais toujours leur assurer que vous ne franchirez jamais cette étape sans leur permission. Il s'agit là d'un élément important de la sécurité émotionnelle. 

Il s'agit là de quelques mesures pratiques. Qu'en est-il de l'aide psychologique ?

Si votre enfant est confronté à la cyberintimidation, il peut se sentir désespéré, comme s'il était pris au piège d'une situation inéluctable. Avant de l'aider à s'en sortir, nous devons faire preuve de compréhension et valider ses sentiments négatifs. Ensuite, nous pouvons l'encourager à reprendre espoir. Montrez-lui qu'il ne faudra pas longtemps pour que tout aille mieux.  

Pour ce faire, nous pouvons évoquer des exemples concrets, tels que des célébrités, ou même nos propres expériences. Dites à l'enfant, par exemple, que nous avons nous aussi traversé une mauvaise passe, que quelqu'un s'est moqué de nous. Mais aujourd'hui, nous sommes sortis de cette situation et nous nous portons bien. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas prêter attention à l'émotion de l'enfant et considérer sa tristesse ou sa colère comme une réaction excessive, bien au contraire. Mais nous devons faire savoir à nos enfants que le soleil se cache derrière chaque nuage.  

Pensez-vous que la cyberintimidation est différente de l'intimidation hors ligne ?

Elles peuvent être encore plus préjudiciables pour l'enfant. Imaginez ceci : lorsque vous êtes à l'école et que quelqu'un se moque de vous, vous pouvez voir son visage, et peut-être aussi les réactions de vos amis. Il se peut que quelqu'un intervienne pour vous défendre, ou du moins son expression montre qu'il n'est pas d'accord avec la situation. Vous savez qui a vu l'incident et qui ne l'a pas vu, car toute la confrontation se déroule dans un environnement physique avec des limites claires.  

Avec la cyberintimidation, c'est différent.

Vous ne pouvez pas voir l'expression ou le langage corporel de l'harceleur, mais seulement sa méchanceté. Vous ne pouvez pas non plus savoir avec certitude qui a vu l'intimidation - s'il s'agit de quelques personnes ou de toute votre classe, et si ces personnes ont même sauvegardé ou diffusé le contenu en question. Vous n'êtes peut-être pas entouré de personnes qui vous soutiendront, et le harcèlement peut même provenir de personnes que vous ne connaissez pas vraiment. C'est pourquoi il est important d'apprendre aux enfants à réagir à la cyberintimidation et de les encourager à défendre leurs amis, même en ligne. Cela ne signifie pas qu'ils doivent interagir avec l'auteur de l'intimidation, mais plutôt qu'ils peuvent contacter la personne intimidée et lui témoigner leur soutien.  

Il existe un cliché bien connu : une victime de harcèlement qui finit par devenir harceleur à son tour. Comment les parents peuvent-ils s'assurer que leurs enfants ne transformeront pas leurs mauvaises expériences en haine ou en méchanceté envers les autres ?

Avant tout, en étant présents pour l'enfant s'il devient victime de brimades. Lorsqu'une personne est la cible de brimades et qu'elle ne reçoit ni aide ni soutien de la part de ses parents ou de ses amis, il est plus probable qu'elle perçoive la situation comme un signe douloureux que c'est ainsi que le monde fonctionne : les gens font du mal aux autres pour avoir du pouvoir. Et comme ils étaient dans le rôle de la victime, ils voulaient bien sûr échapper à cette position d'infériorité. Pour ce faire, ils peuvent être méchants avec les autres. C'est naturel, mais ce n'est pas bon, évidemment.  

Ce que les parents peuvent faire, c'est discuter ouvertement avec les enfants qui ont été victimes de brimades. Lorsque l'expérience est récente, l'enfant peut très facilement s'identifier à la victime, il sait à quel point il est douloureux d'être victime de de ce type de comportements. Si vous en discutez ouvertement et que vous dites à votre enfant que faire souffrir les autres ne l'aidera pas à surmonter ses propres émotions négatives, il sera moins enclin à poursuivre la chaîne de harcèlement. Vous pouvez également commenter positivement les situations dans lesquelles votre enfant noue des liens avec ses amis, est gentil avec eux et s'amuse. Cela permet de créer un récit alternatif à l'isolement et au désespoir et de raconter une histoire de pardon, d'espoir et d'amitié

La cyberintimidation peut amener les enfants à se méfier des autres, mais cette expérience ne doit pas les rendre haineux ou solitaires. Ainsi, lorsque nous voyons nos enfants s'amuser avec leurs amis, nous pouvons leur dire : « C'est super de te voir heureux. Malgré les déceptions que tu as vécues dernièrement, je vois que tu n'as pas renoncé à l'amitié », ou quelque chose de similaire.   

De nos jours, la cyberintimidation peut prendre des formes très élaborées. Les enfants peuvent, par exemple, créer des deepfakes d'autres personnes et les utiliser à des fins d'intimidation. Nous avons même abordé cette question dans un article dédié. Quel est votre point de vue à ce sujet ? 

J'aimerais pouvoir dire que les « deepfakes » et la sextorsion sont encore des problèmes qui concernent principalement les adultes. Les enfants sont souvent impulsifs. Ils peuvent voir quelqu'un faire tomber son assiette pleine de nourriture et en rire impulsivement, ou même utiliser cette situation pour créer des surnoms méchants pour la personne, transformant progressivement une petite blague méchante en une situation de cyberintimidation sérieuse. Mais avec les deepfakes, ils doivent se rendre sur un site web spécifique, télécharger des photos, générer le deepfake... il y a de nombreuses étapes dans le processus et beaucoup plus de temps pour s'arrêter et penser au fait que ce qu'ils font peut blesser quelqu'un. Cela ne veut pas dire que je pense que les deepfakes ne peuvent pas être utilisés par les enfants à des fins d'intimidation, ils peuvent l'être et cela peut être un problème, mais les parents ne devraient peut-être pas paniquer et considérer les nouvelles technologies comme purement mauvaises. Ils devraient plutôt veiller à éduquer leurs enfants sur la manière de les utiliser en toute sécurité et sans nuire à autrui

Vous ne pensez donc pas que l'IA accentuera les problèmes psychologiques chez les enfants ?

Le monde est en constante évolution et nous devons nous rappeler qu'un risque accru n'est pas synonyme d'un préjudice plus élevé. Même s'il existe de nouveaux facteurs de risque, il y a aussi des choses qui peuvent les atténuer, comme l'éducation. Si les enfants sont sensibilisés à l'utilisation de l'IA et qu'ils savent qu'ils doivent en user et non en abuser, cela ne signifie pas nécessairement que l'IA n'aura pas d'impact, positif ou négatif. Ce que cela signifie, c'est que les adultes et les enfants apprendront progressivement à vivre avec elle, à y faire face et peut-être même à l'utiliser pour se faciliter la vie. Nous ne devons pas avoir peur des technologies. Au contraire, nous pouvons nous concentrer sur des stratégies visant à rendre l'expérience de nos enfants et la nôtre enrichissante pour nos vies hors ligne.  

A propos de l'auteur

Alžbeta Kovaľová /
Rédactrice spécialisée en sécurité numérique

Alžbeta travaille chez ESET depuis deux ans...

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