Le métavers peut être défini comme une infrastructure technologique qui permet aux interactions humaines de transcender les frontières physiques et géographiques. C’est également la raison pour laquelle on peut y voir une nouvelle version considérablement élargie d’Internet, qui comprendra des espaces 3D partagés en continu et connectés à des mondes virtuels. Les jeux vidéo multiplateformes en ligne les plus populaires, comme Fortnite, Roblox, Minecraft et Second Life, sont en train de devenir des métavers. Ces nouveaux mondes virtuels permettent aux enfants non seulement de jouer mais également de communiquer entre eux, de tisser des relations, d’améliorer leur créativité et bien plus encore.
Un tournant majeur s’est produit en 2020, lorsqu’un concert du rappeur populaire Travis Scott a eu lieu dans Fortnite. Au plus fort l’événement, plus de 12 millions d’utilisateurs dans le monde y participaient. Les joueurs pouvaient non seulement admirer le spectacle audiovisuel à travers l’écran mais également le vivre virtuellement en compagnie de leurs amis.
Même des géants de la technologie tels que Mark Zuckerberg se sont passionnés pour le métavers. Il a rebaptisé sa société Facebook en Meta à la fin de l’année 2021, confirmant ainsi pleinement son intérêt pour le monde virtuel émergent. Sa vision est de créer un métavers accessible 24 heures sur 24 à toute personne disposant d’un casque approprié et d’un portefeuille de cryptomonnaies. Cette nouvelle plateforme ouvrirait un nombre infini de possibilités pour les utilisateurs de tout âge : visites virtuelles de galeries d’art, jeux entre amis, voyages vers des planètes fantastiques, différentes formes d’éducation et d’investissements financiers...
Mais beaucoup de questions restent sans réponse autour du métavers. La plus importante est sans doute la façon dont le nouveau monde virtuel affectera les enfants et les adolescents. Selon différentes enquêtes, la génération Z (née entre 1997 et 2012) est celle qui montre le plus d’intérêt pour le métavers. Alors que de nombreux parents se montrent plutôt prudents vis-à-vis des nouvelles technologies, le métavers peut avoir un effet positif sur de nombreux aspects du développement de l’enfant.
Créativité et empathie
« Le métavers peut aider les enfants et les adolescents à développer leur créativité et leur imagination, » explique la psychologue et thérapeute Jarmila Tomkova. Elle suggère que les mondes virtuels peuvent aider les jeunes à découvrir et développer leur propre identité. Dans le métavers, l’environnement social immédiat ne limite pas la vie sociale des enfants. Ils peuvent ainsi découvrir de nombreuses caractéristiques, préférences et talents individuels qu’ils n’auraient pas développés dans le monde physique. « Il est également possible de créer quelque chose pour une communauté en ligne et d’en faire partie. Le métavers est également une forme de relaxation et d’aventure, qui peut aider les enfants à surmonter le stress qu’ils ont subi dans l’environnement où ils ont grandi, » ajoute Mme Tomkova.
En ligne, les enfants peuvent adopter différents rôles tels que celui de stratège, de joueur d’équipe ou de leader attentif et plein de ressources. Ces expériences peuvent ensuite être transférées dans le monde hors ligne. « Certains métavers ou certaines réalités virtuelles peuvent même enseigner le développement de l’empathie, de la compassion pour les questions sociales ou de la tolérance envers d’autres cultures, » explique la psychologue. Grâce au métavers, les enfants peuvent en apprendre davantage non seulement sur les autres, mais également sur eux-mêmes.
« Cela peut déclencher un changement fondamental dans la façon dont ils se perçoivent et dans leurs choix en matière de relations en général. Il peut encourager le développement d’autres relations, même hors ligne, en permettant aux enfants de se faire davantage confiance et d’acquérir des compétences plus précieuses, » ajoute Jarmila Tomkova.
Imagination et éducation
Pour les enfants, le métavers peut être vécu comme une succession de mini-projets et de jeux. Tous les contenus numériques non gratuits du métavers sont achetés en cryptomonnaies ou en valeurs numériques telles que les V-Bucks de Fortnite. Les joueurs les utilisent pour effectuer des achats dans le jeu, ce qui signifie qu’ils doivent prendre soin de leurs finances en ligne. « Il est important d’être le guide de l’enfant dans ce processus. Il est utile d’expérimenter les mondes virtuels avec vos enfants et de leur enseigner la valeur des cryptomonnaies, leur rapport avec l’argent ordinaire et les conséquences des achats, » conseille Mme Tomkova. Il est donc crucial d’établir des règles communes, de fixer des restrictions sur les achats intra-applications pour les enfants et de faire leur éducation financière ensemble.
Accompagnés de leurs parents, les enfants peuvent également essayer de suivre leurs rêves et vivre des aventures qui sont difficiles à réaliser dans le monde physique. Le métavers offre la possibilité de posséder des biens virtuels, de construire des objets ou de devenir un artiste populaire. L’imagination est sans limites dans le métavers. Toutefois, comme pour toutes les activités en ligne dont les enfants bénéficient, cela s’accompagne de risques. Quels sont les dangers potentiels ?
Dépendance et discours haineux
Comme pour différents jeux vidéo et réseaux sociaux, les métavers sont liés à un risque potentiel de dépendance. « Les enfants peuvent ressentir un soulagement et une acceptation dans le monde virtuel. La prévention des dépendances est une tâche de longue haleine, et les parents doivent veiller au bien-être des enfants dès leur plus jeune âge. Des relations épanouissantes et un sentiment de sécurité au sein de la famille sont essentiels, » déclare Jarmila Tomkova. La psychologue ne recommande pas l’utilisation de la réalité virtuelle aux enfants de moins de 13 ans. Et le plus essentiel : la communication est indispensable. Ainsi, parlez des expériences problématiques et des aventures spécifiques avec votre enfant. « Il est important de réfléchir avec les enfants à ce qui s’est passé, quelle a été leur expérience, et la manière dont ils peuvent utiliser des comportements similaires dans le monde hors ligne. »
La cyberintimidation, l’agression, le langage inapproprié, les discours de haine et de désinformation sont d’autres inconvénients du métavers. « Les médias sociaux tels qu’Instagram sont principalement basés sur des photos réelles. Dans le métavers, les utilisateurs sont représentés par un avatar numérique qui correspond à leur idéal. Le défi à l’avenir sera de contrôler le temps passé dans un environnement où tout le monde est simplement parfait. Cela peut peser sur l’estime de soi de l’enfant, » explique Mme Tomkova. Le risque potentiel se produira partout où des personnes se rencontrent en ligne. Les parents devraient définir des moyens efficaces d’empêcher les dommages, et éduquer les jeunes sur les cybermenaces susmentionnées.
Le métavers a un potentiel transformateur du monde numérique et du monde physique. Seule l’évolution future pourra révéler l’éventail des avantages et des inconvénients, mais les questions clés pourraient bien porter sur le respect de la vie privée. « Le partage excessif et la collecte de données sur le comportement des utilisateurs sont traités partout, des réseaux sociaux jusqu’aux jeux. Pour l’instant, cela ne semble pas être le plus gros problème du métavers, mais si l’on n’y remédie pas à temps, les géants de la technologie finiront par collecter d’énormes quantités de données qui ne seront pas nécessairement utilisées au profit des utilisateurs, » explique Ondrej Kubovic, spécialiste de la sensibilisation à la sécurité chez ESET. C’est pourquoi il est important d’apprendre aux enfants à (ne pas) partager des informations privées et se protéger dans des environnements en ligne tels que le métavers.